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La détresse des chauffeurs de taxis et de VTC privés de clients à cause du confinement

Si la profession n’est pas concernée par l’interdiction d’exercer pendant le confinement, les chauffeurs n’ont pas suffisamment de clients pour leur permettre de payer leur voiture. Encore moins pour dégager un salaire.

PARIS (08.11.2018) Les chauffeurs de taxi et de VTC subissent de plein fouet les effets du déconfinement. OLIVIER BOITET/LE PARISIEN

Par Aurélie Foulon et Sébastian Compagnon

Le 21 avril 2020 à 14h34, modifié le 21 avril 2020 à 14h42

Onze heures dans sa voiture sans voir l'ombre d'un client. Depuis le début du confinement, c'est le quotidien de Junior, chauffeur de taxi depuis 10 ans. « Je suis arrivé à l'aéroport de Roissy à 23 heures, j'ai chargé mon premier et unique client à 11 heures pour une course à 60 euros à peine », constate ce trentenaire de Villiers-le-Bel (Val-d'Oise), dépité.

Le lendemain, arrivé à 2 heures du matin, il quittera la plateforme aéroportuaire bredouille vers 13 heures, direction Paris dans l'espoir d'y croiser un piéton intéressé. « L'activité a chuté de 75 % par rapport au niveau habituel, constate Yann Ricordel, directeur général délégué de G7, centrale de réservation de 13 000 chauffeurs indépendants dont 9 000 chauffeurs à Paris.

« Depuis un mois, je ne travaille pas pour gagner ma vie mais pour limiter la casse, s'angoisse Junior. J'ai un fonds de commerce à payer et indirectement, on m'empêche de travailler. »

«Il faudra redoubler d'efforts après la crise»

Son fonds de commerce, c'est son taxi : une voiture assurée doublée d'une licence, le tout pour 90 euros par jour, 2 700 euros par mois. C'est dire si l'aide de 1 500 euros promise par le gouvernement pour les indépendants est loin de couvrir les frais. « Au début, je ne voulais même pas la demander, j'estimais ne pas en avoir besoin vu que j'ai le droit de travailler et qu'on était partis pour 15 jours de confinement. Mais là, je vais éviter de prendre des risques. »

Certes, il n'a pas eu à payer ses cotisations Urssaf ce mois-ci. « Mais c'est un report, pas une annulation, insiste-t-il. Il faudra bien redoubler d'efforts après la crise pour payer ces factures en retard, en plus des échéances habituelles », martèle celui qui travaille déjà 7 jours sur 7. Heureusement, il avait prévu un petit pécule en cas de coup dur mais il fond comme neige au soleil. « Je suis déjà quasiment au bout », souffle-t-il.

Certains de ses collègues se tournent vers l'intérim pour gagner un peu d'argent et payer leur outil de travail. « Mais ça fait 10 ans que je suis à mon compte, je ne suis pas prêt à retourner faire de la mise en rayon en supermarché. J'ai mon taxi, j'essaie de travailler, même si, aujourd'hui, je suis bien en dessous du Smic. »

Taxi pendant le confinement : « J'ai une course toutes les deux heures »

«Je suis allé rendre la voiture au loueur»

Son collègue Matthias, de Sarcelles, a fait « un choix entre l'argent et la santé : j'ai rendu la voiture au loueur ». « J'ai vu comme tout le monde en décembre ce qu'il se passait en Chine, se souvient-il. Et puis j'ai chargé à l'aéroport un client asiatique qui m'a raconté comment c'était là-bas. Je me doutais bien que le virus ne s'encombrerait pas d'un passeport pour passer les frontières, alors j'ai bossé à fond pendant les grèves pour mettre un maximum d'argent de côté, puis je suis allé rendre la voiture au loueur. De toute façon, il n'y a plus de clients… »

Chez Taxi G7 service, indépendant de la centrale, qui loue 700 véhicules avec licence, les deux tiers des chauffeurs ont momentanément interrompu leur activité et rendu leur véhicule. Ces voitures sont entreposées dans un entrepôt à Gennevilliers (Hauts-de-Seine). Mais c'est terminé. Désormais tous les effectifs de la société G7 Taxi Service sont en télétravail : ils ne peuvent donc plus réceptionner de nouveau véhicule.

« Soit les locataires choisissent de restituer le véhicule, suspendre le contrat, sans aucun frais ni paiement, soit ils choisissent de conserver leur berline pour leur usage strictement personnel, sans travailler en payant 10 à 14 euros/jour d'assurance, soit ils choisissent de conserver le véhicule et de travailler en tant que taxi avec une remise de 40 % sur le tarif de location habituel », indique le loueur qui propose aussi d'installer une protection en plastique dans le véhicule séparant l'avant de l'arrière du véhicule pour 59 euros hors taxes.

«Ces six derniers jours, un seul client à Roissy»

« Mais ce n'a pas été simple d'obtenir ces aménagements, assure Milan Dejanovic, président du syndicat Locataires unis du taxi (LUT). « On a dû manifester devant leur siège et négocier pour qu'ils acceptent de baisser leur prix », précise-t-il. Il fait partie des 2000 taxis parisiens qui continuent à rouler sur un total avant le confinement de 18 000 voitures selon ses chiffres. « Moi je pensais pouvoir continuer à travailler alors je n'ai pas rendu la voiture. Mais ces six derniers jours je n'ai fait qu'un Roissy-Montparnasse pour 58 euros. Pour beaucoup de mes collègues, c'est souvent le seul revenu du foyer, et on n'a pas de chômage technique ».

Pour les indépendants, pas possible de rendre la voiture. Après avoir exercé 8 ans en tant que locataire, Fabien a acheté sa voiture et sa plaque il y a deux ans. « Je n'ai que des crédits mais heureusement la banque a décalé les prélèvements de 6 mois », explique ce père de famille de 34 ans. Mais il doit payer son assurance à 225 euros mensuels.

Pour lui, impossible, donc, de réduire les charges. « J'ai de la chance, je suis conventionné, explique-t-il. Là, par exemple, je viens d'aller chercher un monsieur hospitalisé pour le covid que j'ai ramené chez lui. » La crainte d'être contaminé à son tour ne l'obsède pas pour autant. « J'arrive à avoir des masques, des gants et du gel hydroalcoolique… » En ce moment, les patients sont ses seuls clients. Résultat, son chiffre d'affaires accuse une baisse de 50 %.

«La saison estivale est déjà morte»

Selon G7, 50 % des courses bénéficient à des soignants actuellement. Des conventions ont été signées avec la sécu et 1000 établissements de santé.

Alors que le déconfinement s'approche, les taxis continuent à redouter les mois qui viennent et ne voient pas l'embellie arriver. Le travail rependra petit à petit, notamment avec les entreprises « mais la saison estivale est déjà morte, estime Milan Dejanovic, les touristes étrangers ne seront pas là et c'est une grosse clientèle l'été. On espère retrouver une activité normale en septembre, au mieux ». D'ici là, les factures continueront à tomber.

Source: LeParisien

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