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Mais pourquoi faut-il attendre si longtemps pour obtenir une licence de taxi à Paris ?

Alors que 600 nouvelles plaques ont été créées en 2019, seulement 114 ont été attribuées sur l’année. Nombreux sur la liste d’attente, qui s’élèverait à 14 ans, les chauffeurs demandent des explications.

La plaque ou l’ADS, l’autorisation de stationnement délivrée par la Préfecture pour les taxis parisiens, leur permet d’exercer LP/J.-G.B.

Par Olivier Debruyne

Le 2 janvier 2020 à 08h01, modifié le 2 janvier 2020 à 20h25

Une petite plaque métallique fixée sur l'aile avant droite de la voiture. En rouge sur fond noir figure un numéro. C'est le précieux sésame, obligatoire pour ceux qui veulent devenir taxi : la plaque ou plus exactement l'ADS, autorisation de stationnement délivrée par la préfecture pour les taxis parisiens.

Elle accorde le monopole pour prendre des clients à la volée dans la rue, aux aéroports, circuler sur les voies réservées, profiter des bornes d'appel et stationner sur les places réservées. Bref le Saint-Graal pour tout chauffeur.

Une perte de valeur avec la concurrence des VTC

A Paris, sa valeur est en moyenne de 120 000 euros si on passe par le rachat d'une plaque existante à un taxi qui prend sa retraite ou souhaite simplement la céder. Une belle somme et pourtant elle a beaucoup perdu de sa valeur : son prix atteignait le chiffre pharaonique de 260 000 euros pièce en 2014! Mais la concurrence des VTC est passée par là.

A l'échelle des 17 924 taxis qui exercent dans la capitale, on parle tout de même d'un trésor de plus de 2 milliards d'euros !

Depuis octobre 2014, et la fameuse loi Thevenoud du nom de l'éphémère secrétaire d'Etat du gouvernement Valls, les nouvelles licences sont devenues « incessibles », elles ne peuvent plus être vendues, et sont renouvelables tous les cinq ans. Seules les anciennes plaques, celles délivrées avant la loi, peuvent toujours être cédées.

Des licences désormais gratuites… mais délivrées au compte-gouttes

Désormais, l'aspirant taxi n'a pas un centime à débourser pour obtenir la fameuse ADS, devenue gratuite. En revanche, il faut être patient, très patient. L'attente se compte en années. « Quatorze ans en moyenne en ce moment », assure Milan Dejanovic, président du syndicat LUT (locataires unis du taxi).

Alors quand l'administration décide, pour augmenter l'offre de taxis disponibles afin de répondre à la demande, de débloquer de nouvelles plaques gratuites, c'est l'aubaine et la ruée. C'est ce qui s'est passé quand la commission ad hoc de la Préfecture de police de Paris a décidé d'ouvrir 600 autorisations de stationnement le 27 juin 2018.

Mais il a fallu attendre encore huit mois pour qu'un arrêté préfectoral du 19 février 2019, stipule dans son article 1 que « le nombre de taxis parisiens autorisés à circuler est porté de 17 924 à 18 524 », soit les 600 supplémentaires.

Certains chauffeurs louent le taxi et sa plaque à prix d'or

Une catégorie bien particulière, et méconnue, de chauffeurs est particulièrement intéressée par ces nouvelles plaques : les taxis locataires. Ces chauffeurs ont passé comme les autres le certificat de capacité professionnelle et obtenu leur carte, mais ils n'ont ni plaque, ni voiture.

« C'est un statut un peu bâtard, reconnaît Milan Dejanovic.

Nous sommes artisans avec toutes les charges qui se rapportent à ce statut, mais pour pouvoir travailler nous sommes obligés de louer un véhicule et sa plaque à une compagnie, comme la G7. » Ces locataires représentent plus de la moitié de l'ensemble des 17 924 taxis parisiens, avec 9500 chauffeurs.

Chez G7 Taxi services par exemple, toute une gamme de véhicules est proposée. De la classique Toyota Prius à la luxueuse (et électrique) Tesla Model S, sans oublier les vans très à la mode chez ceux qui travaillent avec les aéroports comme le Mercedes Classe V. Avec le système de radio qui permet de recevoir les demandes des clients via la compagnie.

« Pour la location, c'est 3600 euros par mois soit 43 200 euros à l'année, calcule le syndicaliste. Et il faut payer cette location quoi qu'il arrive, arrêt maladie, congés ou autre. A cela, il faut rajouter le gasoil et les taxes. Au total, il faut compter 170 euros par jour. Quand le taxi prend son service, il doit donc faire 170 euros de recette avant de commencer à se rémunérer. Résultat, on travaille 11 heures par jour pour un salaire au-dessous du smic. Mais vous n'avez pas le choix quand vous avez une famille à nourrir… »

« Pour les compagnies, c'est un vrai tiroir-caisse ! dénonce un locataire. Le calcul est simple pour 100 taxis, c'est 4,3 millions d'euros sur un an pour eux. »

«Le système de distribution des plaques est très opaque»

Alors ces locataires comptaient pouvoir bénéficier des plaques gratuites débloquées en 2018, mais voilà : depuis cette date, la préfecture n'en a distribué que… 114, selon les chiffres du syndicat. « A ce rythme-là, il faudra six ans pour que ces nouvelles autorisations soient distribuées ! » calcule Milan Dejanovic. Pourquoi les 486 plaques restantes restent bloquées ? C'est le grand mystère qui met en colère les taxis locataires.

Ces derniers manifestaient leur ras-le-bol en décembre devant le ministère des Transports, boulevard Saint-Germain, à l'appel de leur syndicat LUT pour tenter d'avoir des réponses. « Mais personne ne nous répond », peste le président du syndicat, qui attend toujours un rendez-vous pour avoir des explications.

A la Préfecture de police de Paris, les dossiers des taxis locataires sont entassés… dans une boîte en carton. DR  

« Le système de distribution des plaques est très opaque, dénonce-t-il. Et on se demande comment c'est géré quand on voit que les dossiers sont déposés dans un simple carton sur un bout de table. » Entre eux, les taxis l'appellent « la boîte à chaussures ». « Nous n'avons jamais de suivi des dossiers, même quand ils sont complets. »

Autre motif de grief pour tous ceux qui espèrent après cette fameuse plaque : ils ne comprennent pas par quelle logique elles sont distribuées. Normalement, les autorisations sont proposées dans l'ordre chronologique d'enregistrement des demandes sur la liste d'attente. « Mais c'est très aléatoire, assure Milan Dejanovic. Certains ont déposé leur dossier complet il y a 9 mois et n'ont toujours aucune nouvelle. D'autres l'ont fait en juillet et ils ont eu leur plaque ! Il y a forcément des passe-droits… »

«En sous-effectif, la préfecture est tout simplement débordée»

Pour les Cochers Chauffeurs CGT-taxis, « la préfecture est tout simplement débordée ». « 600 nouvelles cartes à attribuer, c'est disproportionné par rapport à leur service, estime le secrétaire du syndicat, Karim Asnoun. Ils sont en sous-effectif et l'équipe souffre d'un turn-over important. »

« Résultat, leur liste d'attente n'est pas à jour, reprend le secrétaire du syndicat. Au moment d'attribuer une carte, ils regardent ceux qu'ils pensent être éligibles avant de réaliser les vérifications d'usage pour s'assurer que le demandeur a bien exercé. L'avancée d'un dossier, même complet, dépend donc aussi des délais de réponse des employeurs et de l'Urssaf. »

Une situation qui expliquerait également que les syndicats n'aient pas, non plus, de chiffres précis sur le nombre de demandes complètes en souffrance.

Contactée à plusieurs reprises, la Préfecture de police de Paris n'a pas été en mesure d'expliquer le retard dans la mise en circulation de ces nouvelles autorisations de stationnement. Mais un rendez-vous a été promis aux taxis dans les prochaines semaines.

Source: le Parisien

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