Revenir au site

Si même la crise inédite du coronavirus ne pousse pas les syndicats français à l’unité...

ANALYSE - Le 1er mai 2009, pour la première fois de leur histoire, les 8 principales centrales du pays s’étaient entendues pour parler d’une seule voix contre la crise financière. Cette année, elles n’ont même pas essayé. Pourtant, le choc subi par les travailleurs est sans commune mesure...

Par Marc Landré

A une situation exceptionnelle, et inédite, comme la crise du coronavirus, les syndicats français ont apporté une réponse simple et on ne peut plus claire aux salariés et travailleurs qui attendaient leur message: leur sempiternelle division et absence d’unité. Force est en effet de constater que toutes les centrales tricolores, de la CFDT à la CGT, en passant par FO, la CFTC et la CFE-CGC pour les organisations représentatives au niveau interprofessionnel mais aussi la FSU, l’Unsa et encore Solidaires pour celles qui n’appartiennent au «club des 5», jouent actuellement leur propre carte, espérant marquer des points dans leur corps électoral respectif, et ainsi emporter la mise, une fois le cataclysme actuel passé.

D’un côté, le bloc contestataire, conduit par la CGT, martèle que la sécurité des salariés doit primer sur toute autre considération et appelle à une limitation stricte de l’activité aux seuls secteurs essentiels à la lutte contre le virus. Partout, leurs représentants multiplient les appels à la grève, poussent les salariés à actionner leur droit de retrait ou refusent de signer les protocoles de reprise d’activité négociés au cas par cas avec les employeurs. De l’autre, le clan réformiste emmené par la CFDT, milite pour une reprise nécessaire mais encadrée de l’économie, appelant au dialogue social dans les entreprises pour garantir un retour des salariés sur leurs postes de travail dans les meilleures conditions possibles. A lire les communiqués et les prises de position des représentants des deux camps, on ne peut que constater le grand écart actuel des organisations en place…

"Le syndicalisme se grandirait en parlant aujourd'hui d'une seule voix sur la place du travail dans le société de demain et le monde d'après le covid-19"

«Le syndicalisme se grandirait en parlant aujourd’hui d’une seule voix sur la place du travail dans la société de demain et le monde d’après le covid-19. Cette crise nous met tous face à nos responsabilités et il y a clairement quelque chose à faire collectivement», avait pourtant indiqué Laurent Berger, le patron de la CFDT, dans une interview au Figaro le 21 avril, se disant même «disponible pour travailler à une action commune». Comme main tendue, on ne fait pas mieux mais encore faut-il qu’il y ait quelqu’un en face pour la saisir.

Chaque camp a en effet monté son dispositif en prévision du 1er mai à venir -la CGT, alliée à la FSU, Solidaires et à une quinzaine d’autres organisations syndicales et non gouvernementales, comme Greenpeace, a tiré la première en dévoilant son dispositif- sans associer celui d’en face. Et fait sa déclaration dans son coin: la CFDT, avec ses amis réformistes, et la CGT, avec ses camarades radicaux. Comme si les salariés et travailleurs qui souffrent de la crise actuelle et en subissent ses effets, que ce soit en matière de chômage partiel, de travail en présentiel dans des conditions risquées ou de télétravail, ne valaient pas ne serait-ce qu’une tentative de rapprochement, pour la bonne cause… «Dès qu’on veut faire quelque chose, la CGT et FO nous répondent que ce n’est pas possible parce que leur base refuse tout travail commun avec la CFDT», rapporte un dirigeant de la centrale du boulevard de Belleville. Ambiance.

Pourtant, il y a onze ans, au plus fort de la crise financière nettement moins violente que celle d’aujourd’hui, les huit principales organisations syndicales qui composent le paysage avaient été capables de mettre de côté leurs différences et leur rivalité pour parler d’une même et seule voix, dans l’intérêt des salariés qu’elles représentent. CGT, CFDT, FO, CFTC, CFE-CGC avaient défilé unies «contre la crise» pour la fête du travail 2009 avec Solidaires, la FSU et l’Unsa.

Ce 1er mai unitaire, le premier (et seul) dans l’histoire du syndicalisme tricolore, avait attiré entre 465.000 et 1,2 million de personnes dans les rues, selon les chiffres fournis à l’époque par le ministère de l’Intérieur et la CGT. Soit de 5 à 10 fois l’affluence d’un 1er mai classique, c’est dire l’attente et la réponse de leurs troupes… Même le 1er mai 2002 lors de la qualification de Jean-Marie Le Pen pour le 2è tour de la présidentielle contre Jacques Chirac, les organisations syndicales n’avaient pas été capables de se mettre d’accord pour défiler ensemble, la CFTC ayant à l’époque refuser d’appeler à descendre dans les rues pour s’opposer au leader d'extrême-droite.

"En 2009, la crise financière avait conduit les 8 principales organisations syndicales à manifester, unies, le 1er mais.

Onze ans plus tard, elles n'ont même pas cherché à se poser le question.

En 2009, chacun y avait mis du sien. La CFE-CGC, la centrale représentative des cadres, des techniciens et des ingénieurs, qui n’appelle jamais à manifester, et encore moins pour la fête du travail, avait demandé à ses troupes de descendre dans les rues un peu partout en France. FO, qui déteste se mêler aux autres et adore faire bande à part, avait pour sa part accepté de faire cause commune, notamment avec sa grande sœur et meilleure ennemie, la CGT. Comme le justifiait à l’époque Jean-Claude Mailly, le secrétaire général de FO, il est vrai que les circonstances étaient… «exceptionnelles». Visiblement plus qu’en 2020…

Cette belle et inédite unité syndicale ne durera au final… qu’un an. Pour le 1er mai 2010, alors que la crise faisait encore rage, les fractures étaient revenues, FO décidant de re-faire bande à part pour la fête du travail, la CFTC et la CFE-CGC de ne pas re-appeler à manifester et laissant donc un bloc disparate, emmené par la CGT et la CFDT, alliées l’Unsa, Solidaires et la FSU, défiler au nom de «la défense de l’emploi, du pouvoir d’achat, des services publics et de la retraite à 60 ans». Pas sur que les mêmes ressortent une décennie après tous indemnes, individuellement et collectivement, de cette absence de prise de conscience que le combat contre le coronavirus valait bien, non pas une messe, mais leur unité. Au nom des travailleurs qu’ils sont sensés représenter. Alea jecta est!

source: Le Figaro

Tous Les Articles
×

Vous y êtes presque...

Nous venons de vous envoyer un e-mail. Veuillez cliquer sur le lien contenu dans l'e-mail pour confirmer votre abonnement !

OK